Evry Palestine 2013-5-a1
En même temps que la lecture de l’excellent travail historique de Julien Salingue sur les accords d’Oslo de septembre 1993, je vous recommande de regarder la vidéo d’interview de Jeff Halper réalisée par Médiapart sur le même sujet.
Son analyse ouvre des portes et permet de mieux comprendre comment se développe la propagande de l’état israélien et de ceux qui le soutiennent activement.
« A Oslo, Israël n’a fait que reconnaître l’OLP comme partenaire de discussion, mais n’a pas reconnu l’existence du peuple palestinien, encore moins son droit à l’autodétermination. »
Les discussions ont essentiellement portées sur la sécurité de
l’état hébreu et le redéploiement des forces d’occupation. Il n’y a
jamais eu de négociations sur les frontières, sur la souveraineté
palestinienne, sur les réfugiés, sur Jérusalem, sur l’eau…
Les « accords d’Oslo » étaient une tromperie et la situation des
palestiniens est bien pire aujourd’hui qu’avant Oslo.
La politique colonialiste et militariste israélienne repose sur les concepts d’ « entreposage » et de « transfert sélectif».
La notion d’entreposage vient des prisons américaines ; les EU
représentent 6 % de la population mondiale mais 25% des détenus de la
planète. Les prisonniers sont parqués et vivent sous la tutelle de
l’état – ils n’ont plus de droits civiques – ce sont des « bad people »
nuisibles comme les terroristes, juste bon à rester enfermés. De ce
fait, ils sont devenus invisibles du reste de la société.
S’il y a une révolte dans une prison, les gardiens ont le droit et
le devoir de supprimer les émeutiers.
C’est exactement comme cela qu’Israël considère les Palestiniens :
ils sont détenus dans les zone A,B et à Gaza ; ils sont privés de
droits ; la paix leur a été « offerte » et ils ont répondu par
l’Intifada – donc tous assimilés à des terroristes. De ce fait, il est
justifié de les laisser en détention, de les « entreposer ».
Avec cette stratégie, il n’y a plus de processus politique qui
tienne et sur les territoires occupés, on assiste à une sorte de
normalisation – comme une « pacification » ; tant qu’elle perdure, les
Palestiniens deviennent un non-problème ; ils disparaissent du champ de
vision et des préoccupations. Ceci est déjà accompli pour les
Iisraéliens ; il leur reste à le faire croire au reste du monde.
Pour Jeff Halper, il n’y a aucun problème pour les états –même ceux
qui parlent des droits de l’Homme jour et nuit – et les instances
internationales à s’accommoder de cet entreposage tant que la situation
sur place reste calme. Il y a bien des ailleurs où porter les regards :
Iran, Syrie, Mali, Chine, …
La politique coloniale et militaire d’Israël est concentrée sur le
maintien d’une chape de plomb à l’encontre des palestiniens sans qu’ils
puissent se révolter, afin d’en faire un non problème planétaire.
Le rôle des militants se joue là : redonner de la visibilité au
problème palestinien.
Quant au second concept israélien, celui du transfert sélectif de
population, il découle de l’entreposage. En effet, dans ces prisons que
sont les zones A, B et Gaza, une porte de « sortie » reste ouverte dans
les murs de l’arrière vers la Jordanie, l’Egypte. En tant que
Palestinien, vous pouvez choisir l’exil… mais cette solution n’est
possible que pour les classes moyennes, ceux qui ont les moyens, les
compétences, l’éducation …et les visas bien sûr.
Israël se dit : si nous pouvons nous débarrasser des leaders de la
société palestinienne, il ne restera plus sur place qu’une population
plus contrôlable à l’avenir. Pour ce qui est des militants, de toute
façon, il existe les assassinats ciblés.
Depuis 12 ans, étant donné la vie impossible qui est menée contre
eux, 300 à 400 mille palestiniens ont quitté leur pays !
Jeff Halper passe ensuite sur la problématique d’ 1 état (dépassée)
ou 2 états (impossible ?) pour évoquer le scénario de la démission
complète de l’autorité palestinienne : cela créerait un tel vide
qu’Israël serait obligé de réoccuper les villes palestiniennes et Gaza,
avec un risque de séisme régional (en raison de la myriade de
poudrières en ce moment : « printemps arabes », Syrie, Iraq, Iran…) et
international ( mise en cause du soutien inconditionnel des EU et de
l’UE).
Pour conclure, la stratégie israélienne d’injustice, de négation des
droits humains et internationaux ne peut persister car les peuples
opprimés ne l’accepteront jamais, mais aussi parce qu’elle est
l’incubateur qui génèrent des formes de contrôles qui pénètrent nos
communautés.
Ce qui se passe hier à Gaza, à Naplouse… est intégré le lendemain
par la police chez nous. Les tactiques militaires et policières, les
technologies de répression qui sont développées à l’encontre des
palestiniens sont ensuite appliquées dans le reste du monde à nos
dépens. Israël vend sans complexe ses compétences en « guerre de basse
intensité » qu’elle met au point dans le grand laboratoire humain dont
elle s’est emparée en Palestine.
En cela, le conflit israélo-palestinien est plus proche de chez nous
qu’on a l’habitude de le situer.
Pierre Langlois pour Evry Palestine