Jeff Halper : les « accords d’Oslo » étaient une tromperie

En même temps que la lecture de l’excellent travail historique de Julien Salingue sur les accords d’Oslo de septembre 1993, je vous recommande de regarder la vidéo d’interview de Jeff Halper réalisée par Médiapart sur le même sujet.

Son analyse ouvre des portes et permet de mieux comprendre comment se développe la propagande de l’état israélien et de ceux qui le soutiennent activement.

« A Oslo, Israël n’a fait que reconnaître l’OLP comme partenaire de discussion, mais n’a pas reconnu l’existence du peuple palestinien, encore moins son droit à l’autodétermination. »

Les discussions ont essentiellement portées sur la sécurité de l’état hébreu et le redéploiement des forces d’occupation. Il n’y a jamais eu de négociations sur les frontières, sur la souveraineté palestinienne, sur les réfugiés, sur Jérusalem, sur l’eau…

Les « accords d’Oslo » étaient une tromperie et la situation des palestiniens est bien pire aujourd’hui qu’avant Oslo.

La politique colonialiste et militariste israélienne repose sur les concepts d’ « entreposage » et de « transfert sélectif».

La notion d’entreposage vient des prisons américaines ; les EU représentent 6 % de la population mondiale mais 25% des détenus de la planète. Les prisonniers sont parqués et vivent sous la tutelle de l’état – ils n’ont plus de droits civiques – ce sont des « bad people » nuisibles comme les terroristes, juste bon à rester enfermés. De ce fait, ils sont devenus invisibles du reste de la société.

S’il y a une révolte dans une prison, les gardiens ont le droit et le devoir de supprimer les émeutiers.

C’est exactement comme cela qu’Israël considère les Palestiniens : ils sont détenus dans les zone A,B et à Gaza ; ils sont privés de droits ; la paix leur a été « offerte » et ils ont répondu par l’Intifada – donc tous assimilés à des terroristes. De ce fait, il est justifié de les laisser en détention, de les « entreposer ».

Avec cette stratégie, il n’y a plus de processus politique qui tienne et sur les territoires occupés, on assiste à une sorte de normalisation – comme une « pacification » ; tant qu’elle perdure, les Palestiniens deviennent un non-problème ; ils disparaissent du champ de vision et des préoccupations. Ceci est déjà accompli pour les Iisraéliens ; il leur reste à le faire croire au reste du monde.

Pour Jeff Halper, il n’y a aucun problème pour les états –même ceux qui parlent des droits de l’Homme jour et nuit – et les instances internationales à s’accommoder de cet entreposage tant que la situation sur place reste calme. Il y a bien des ailleurs où porter les regards : Iran, Syrie, Mali, Chine, …

La politique coloniale et militaire d’Israël est concentrée sur le maintien d’une chape de plomb à l’encontre des palestiniens sans qu’ils puissent se révolter, afin d’en faire un non problème planétaire.

Le rôle des militants se joue là : redonner de la visibilité au problème palestinien.

Quant au second concept israélien, celui du transfert sélectif de population, il découle de l’entreposage. En effet, dans ces prisons que sont les zones A, B et Gaza, une porte de « sortie » reste ouverte dans les murs de l’arrière vers la Jordanie, l’Egypte. En tant que Palestinien, vous pouvez choisir l’exil… mais cette solution n’est possible que pour les classes moyennes, ceux qui ont les moyens, les compétences, l’éducation …et les visas bien sûr.

Israël se dit : si nous pouvons nous débarrasser des leaders de la société palestinienne, il ne restera plus sur place qu’une population plus contrôlable à l’avenir. Pour ce qui est des militants, de toute façon, il existe les assassinats ciblés.

Depuis 12 ans, étant donné la vie impossible qui est menée contre eux, 300 à 400 mille palestiniens ont quitté leur pays !

Jeff Halper passe ensuite sur la problématique d’ 1 état (dépassée) ou 2 états (impossible ?) pour évoquer le scénario de la démission complète de l’autorité palestinienne : cela créerait un tel vide qu’Israël serait obligé de réoccuper les villes palestiniennes et Gaza, avec un risque de séisme régional (en raison de la myriade de poudrières en ce moment : « printemps arabes », Syrie, Iraq, Iran…) et international ( mise en cause du soutien inconditionnel des EU et de l’UE).

Pour conclure, la stratégie israélienne d’injustice, de négation des droits humains et internationaux ne peut persister car les peuples opprimés ne l’accepteront jamais, mais aussi parce qu’elle est l’incubateur qui génèrent des formes de contrôles qui pénètrent nos communautés.

Ce qui se passe hier à Gaza, à Naplouse… est intégré le lendemain par la police chez nous. Les tactiques militaires et policières, les technologies de répression qui sont développées à l’encontre des palestiniens sont ensuite appliquées dans le reste du monde à nos dépens. Israël vend sans complexe ses compétences en « guerre de basse intensité » qu’elle met au point dans le grand laboratoire humain dont elle s’est emparée en Palestine.

En cela, le conflit israélo-palestinien est plus proche de chez nous qu’on a l’habitude de le situer.

Pierre Langlois pour Evry Palestine