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Retour de mission en Palestine d’une militante d’Evry Palestine

mercredi 14 novembre 2018

Camille, adhérente d’Evry Palestine, a passé deux semaines en Palestine en octobre dernier. Sur place, en compagnie de militants de l’AFPS Rennes, elle a effectué une mission de cueillette d’olives dans le nord de la Cisjordanie. Elle nous livre son témoignage.

Lors de l’arrivée à l’aéroport Ben Gourion, nous devons passer la douane ; l’homme à son poste regarde mon passeport et m’interroge :
« Première fois en Israël ? Pourquoi Israël ? Quelle est l’origine de votre nom de famille ? Le nom de votre père et celui de votre grand père , s’il vous plaît ».
Je pensais m’en sortir mais j’ai un nom d’origine algérienne ; l’on m’a alors pris mon passeport et demandé d’attendre dans une salle où se trouvaient touristes, étrangers et Palestiniens. J’ai été reçue par un agent de police qui m’a posé quelques questions sur l’objectif de mon voyage, mes origines, ma religion et si j’avais l’intention de me rendre en territoires occupés. J’ai bien sûr dit "non", et je pensais que j’allais enfin pouvoir sortir. Cela ne fut pas le cas ; l’on m’a fait encore patienter avant d’être reçue par deux policiers (dont le chef) pour me poser davantage de questions et me déstabiliser :
"Quel est votre programme de visite ? Avez vous de la famille en Algérie ? Pourquoi Israël ? Puis je regarder votre téléphone ? Avez vous des contacts ici ou en territoires occupés ? Puis-je voir votre billet d’avion et votre réservation d’hôtel pour cette nuit ? Ne parlez pas en français, s’il vous plaît, sinon je vous parle en hébreu. Vous allez rentrer en France, si ça continue…"
Bref, au total deux heures à essayer de me défendre comme j’ai pu et à jouer sur la carte de la touriste indignée par le traitement qu’elle reçoit, ce qui m’a sûrement permis de sortir de l’aéroport et d’éviter un retour à Paris, ce qui ne fut pas le cas d’un Palestinien avec qui j’ai sympathisé dans la salle d’attente et qui, bien que vivant en Angleterre, ne sera pas autorisé à sortir de l’aéroport et devra rentrer à ses frais à Londres…

Par la suite , j’ai pu rejoindre les autres volontaires ; nous avons été reçus par Bakr et sa famille à Farkhas, à côté de Salfit. Bakr est membre et coordinateur du PARC sur Salfit. Le PARC est une association non gouvernementale d’agriculteurs palestiniens pour favoriser le développement de techniques agricoles alternatives ; l’objectif est de limiter la dépendance à l’égard d’Israël en tendant vers une autonomie énergétique (électricité , eau, engrais, semences) et économique car Israël s’octroie le monopole de l’exploitation des nappes phréatiques en Palestine qui se traduit, entre autres, par un surcoût de l’eau, qui est revendue presque 5 fois plus chère aux Palestiniens qu’aux Israéliens. Le PARC récupère des subventions dans le monde entier et les reverse aux agriculteurs sous forme de micro crédit. Le PARC est présent dans toute la Palestine, Cisjordanie et Gaza y compris.
Des coordinateurs travaillent au sein du PARC pour accueillir les internationaux lors des cueillettes.

Nous avons accompagné les agriculteurs lors de leur cueillettes d’olives sur Salfit, Beit Sourit, Toulkarem, essentiellement. La majorité des cueillettes étaient principalement symboliques du fait de la présence des médias (presse palestinienne).
Ces opérations de communication sont néanmoins importantes.

Les terrains où nous allions étaient, pour la plupart, collés au mur. A Toulkarem, par exemple, la semaine précédant notre arrivée, les militaires étaient intervenus dans les maisons pour y lancer des gaz lacrymogènes.

Le 15 et 16 octobre, nous étions à Salfit et les agriculteurs nous ont dit que l’armée était venue pour les chasser la semaine précédente.
Zoé, une volontaire qui souhaitait réaliser un petit documentaire sur la Palestine, a demandé s’ils souhaitaient témoigner ; ils ont répondu "non", par peur des représailles, et parce que cet homme avait déjà fait de la prison plusieurs fois.
Ces agriculteurs possédant des terrains de l’autre côté du mur, Bakr avait tenté de les accompagner avec les internationaux la semaine précédente mais les militaires n’ont pas laissé passer les volontaires ; uniquement les agriculteurs. Bakr na pas cherché a négocier outre mesure avec les militaires.
Néanmoins, montrer que des volontaires sont présents (même s’ils ne passent pas le mur) est vraiment important ; cela montre qu’il y a des témoins et a pour conséquence de diminuer le niveau de répression.
Un évènement important à signaler ; quelques jours avant mon arrivée, les volontaires sur place ont assisté à l’enterrement d’une jeune Palestinienne, mère de famille, qui a été assassiné par des colons qui ont jeté une pierre sur sa voiture. Ils m’ont dit que ça été un moment très éprouvant pour eux, et bien sûr on imagine la douleur de la famille…
Sur la cueillette de Beit Sourit, nous avons rencontré de jeunes étudiants palestiniens de l’université de Birzeit ; leur présence sur cette journée de cueillettes était obligatoire car elle correspond a une « journée civique » pour soutenir la cause palestinienne.
Le frère d’un agriculteur était condamné à la prison à vie pour des raisons politiques ( nous n’en saurons pas plus). Il faut savoir que la majorité des familles palestiniennes ont une personne dans leur entourage en prison, ou ayant fait de la prison.
Nous avons rencontré un agriculteur du nom de Fayez T., qui est déjà venu sur Evry. Cet agriculteur résistant nous a fait visiter sa ferme (où il produit son propre méthane entre autre) et nous a expliqué avoir perdu la moitié de ses terres lors de la création du mur, et qu’il était désormais obligé de louer des terres à son voisin pour continuer à travailler dans de bonnes conditions. Il nous a montré un énorme checkpoint, le checkpoint de Qalqiliya, traversé par plus de 15 000 Palestiniens chaque jour pour rejoindre les colonies et y travailler, et nous a mentionné la présence, sur ce checkpoint, de caméras (ou d’appareils photos) qui permettent de voir les personnes nues. Tous les Palestiniens y sont soumis y compris les femmes. Ces appareils sont normalement interdits.

Le18 octobre nous avons rencontré dans la matinée un fonctionnaire de l’OLP dont la mission est de mener des négociations entre Israël et Palestine pour atteindre deux objectifs majeurs et non négociables : le retour des réfugiés et Jérusalem-Est pour capitale d’un futur état palestinien. Les négociations directes avec Israël se sont interrompues il y a 2 ans. Il a évoqué le contexte international défavorable pour ces dernières ; la difficulté de trouver des alliés internationaux pour appuyer leur demande, l’arrivée au pouvoir de Trump, l’alignement de nombreux pays européens sur la politique Étasunienne qui est un soutien indéfectible d’Israël et le durcissement de la politique israélienne.
Il nous a été donné des documents et livrets sur les arrestations des Palestiniens, sur la manière dont le tourisme enrichit Israël etc.. (un volontaire me les a envoyés par la poste donc j’attends en espérant les recevoir. )

Nous avons ensuite rencontré le président du PARC qui a recueilli nos impressions (plus une visite formelle), puis un porte parole du PPP Palestinian People Party, d’obédience communiste. Ce docteur quadrilingue a souligné les divisions politiques au sein de l’autorité palestinienne (Fatah et Hamas) ; cela fait en effet 10 ans qu’il n’y a pas eu d’élections ; elles sont prévues seulement théoriquement pour l’année prochaine. Il a rappelé l’importance de la mobilisation populaire dans les pays européens face au laisser-faire de nos gouvernements.

Nous avons visité une petite usine de pressage d’olives financée par l’AFPS, dont une partie de la production est exportée en France (dans le 93 et à Montpellier).

Nous avons appris, lors d’une discussion avec le fils de Bakr et ses amis, qu’Israël recrutait aussi des Bédouins vivant dans le désert du Néguev pour travailler dans l’armée israélienne, en échange de meilleures conditions de vie (logement, accès à l’eau notamment).
Son fils nous a dit aussi que les Palestiniens vivant en Cisjordanie n’avaient le droit de se rendre à Jérusalem que sur autorisation, excepté les hommes de plus de 60 ans et les femmes de plus de 45 ans et que, de manière générale, l’armée est plus « cool » pour laisser passer les agriculteurs de cet âge lorsqu’il ont des terres derrière le mur, mais ce n’est évidemment pas automatique.
Il nous a dit aussi qu’il avait déjà discuté avec les Israéliens qui refusent de faire l’armée. Il existe d’ailleurs une association

A plusieurs reprises, nous avons demandé avec d’autres volontaires ce que les Palestiniens attendaient de nous ; ils nous ont tous dit qu’il était nécessaire de relater les faits et la réalité une fois en France, et que la présence des internationaux sur les récoltes, par exemple, était importante. Ils ont aussi évoqué le fait que de former des jeunes (par exemple dans les camps de réfugiés), leur apprendre un métier, ou une langue, était parfaitement utile. Les Palestiniens ne veulent pas d’argent ; ils veulent leur indépendance et que l’on leur restitue leur droits ; les agriculteurs veulent un accès à leur eau, et à partir de là, ils peuvent tout faire sans avoir besoin de nous.

Petite anecdote lors d’une de nos balades à Salfit ; nous avions été accueillis par un habitant, qui nous a présentés à sa mère ; cette dernière pensait que nous étions Israéliens. Il faut savoir que ses deux fils ont fait de la prison, et que malgré cela, nous avons été accueillis chaleureusement. Les Palestiniens réservent un accueil incroyablement chaleureux aux Israéliens, en dépit des panneaux plantés à l’entrée des villages pour prévenir les Israéliens qu’ils entrent dans une zone de « danger » et que leur sécurité y est menacée…

A aucun moment nous n’avons senti de l’hostilité de la part des Palestiniens, qui parfois nous prenaient pour des Israéliens, et nous saluaient par un « Shalom ». Il sont hospitaliers, solidaires, honnêtes et complètement désintéressés.
Ils font preuve d’une immense sagesse et d’une grande endurance face aux Israéliens ( soldats, ou habitants ) dans leur discours comme dans leur comportement. La discussion est complètement ouverte avec les Palestiniens qui sont capable d’écoute, d’échange, de partage. Cela traduit leur désir de vivre en paix.

Camille

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