Ces articles font l’analyse des évènements en Palestine au cours de l’année 2022 et interrogent l’avenir pour les Palestiniens, pour la société israélienne et pour le Moyen Orient.
« Bilan de l’année 2022 : l’heure de vérité pour la Palestine »– 01/01/2023- Chronique de Palestine. Article de grande qualité qui analyse finement des évènements de 2022 vécus par les Palestiniens et leurs conséquences, par 3 jeunes journalistes palestiniens et étatsuniens. (…)
La jeunesse et l’éducation au coeur des "Huit heures pour la Palestine"
vendredi 17 février 2017
La jeunesse et l’éducation au cœur des Huit Heures pour la Palestine à Evry
Cette année, les Huit Heures pour la Palestine d’Evry se sont déroulées en trois temps :
la projection du film "This is My Land", en partenariat avec la FSU 91,
nos Huit Heures sur le thème de la jeunesse palestinienne en résistance, ses révoltes et ses espoirs,
la projection de deux films "Le temps qu’il reste" d’Elia Suleiman et "Degradé" d’Arab et Tarzan Nasser, à l’initiative de L’Olivier-AFPS Corbeil-Essonnes, qui a réuni un public nombreux et intéressé.
Événements organisés par Evry Palestine avec la participation de L’Olivier AFPS Corbeil-Essonnes, RiSolidarité Palestine et le Collectif Palestine Nord Essonne, avec le soutien du Collectif Palestine en Essonne
This is My Land a été projeté le vendredi 2 décembre devant un auditoire d’une bonne centaine de personnes, et suivi d’un long débat avec la réalisatrice Tamara Erde. Nos collègues de la FSU se sont sentis particulièrement intéressés et interpellés par cette approche de documentaire engagée sur l’histoire et son enseignement en Israël et en Palestine. Cela a été l’occasion pour JB Hutasse, président de FSU 91, de rappeler l’analyse faite par l’Institut de la recherche de la FSU avec l’AFPS et le CICUP, sur la vision qui est transmise aux élèves dans les manuels scolaires en France sur la question israélo palestinienne. Cf le livre « Israël-Palestine le conflit dans les manuels scolaires ».
Le samedi 3 décembre, pour les Huit Heures pour la Palestine, nous avons accueilli Christiane Hessel Chabry comme invitée d’honneur, de jeunes palestiniens, et un jeune refuznik israélien. Nous avions aussi invité Reem Abu Jaber, la directrice exécutive de l’association Nawa pour les arts et la culture, notre partenaire pour notre projet ludothèque du camp de réfugiés de Khan Younis. Malgré tous nos efforts, elle n’a pas obtenu l’autorisation de sortie de la part des autorités israéliennes qui maintiennent Gaza sous blocus. Elle nous a transmis un témoignage émouvant. Nous avons écouté le message de Nabila Kilani, enseignante d’anglais à Gaza qui, malgré les offensives israéliennes et les destructions, fait vivre un centre de soutien et d’éducation à la paix pour les enfants de son village situé sur la frontière nord de la Bande de Gaza.
Ahmed Alustath, jeune de Gaza étudiant à Besançon, et Saeed Amireh, jeune de Cisjordanie étudiant à Montpellier, nous ont fait part de leur expérience, d’abord en tant que Palestiniens soumis au blocus ou à la répression de l’armée israélienne : Saeed a été mis en prison juste avant ses examens, Ahmed qui avait choisi d’étudier le français à Gaza, a perdu son premier semestre d’étude en France à cause du blocus, mais a eu cette chance de pouvoir sortir par rapport à beaucoup d’étudiants de Gaza. Ils ont aussi évoqué leurs réactions en tant que jeunes vivant leur arrivée et leur séjour en France.
Le débat sur la jeunesse en résistance a réuni Saeed Amireh, du village palestinien de N’ilin et membre du comité de résistance de son village, Edo Ramon, jeune refuznik israélien, et Christiane Hessel, dont on ne présente plus l’engagement militant pour la Palestine et tout particulièrement Gaza , la cause des enfants, les sans-papiers...
Saeed Amireh a 24 ans ; il a vécu de l’intérieur la résistance populaire du village de N’ilin, une résistance forte et constante mais soumise à une répression impitoyable de l’armée israélienne. En première ligne avec les jeunes de N’ilin, retournant régulièrement dans son village, il écrit un livre sur les nouvelles formes de résistance des jeunes palestiniens. Celles-ci s’organisent en Cisjordanie en réaction aux évènements vécus pendant les années funestes 2014-2015 : en Mai 2014, répression israélienne massive, en prenant le prétexte du kidnapping puis de la mort des 3 jeunes colons dans la région d’Hébron par le Hamas, l’assassinat du jeune Mohamed Abu Khdeir brulé vif à Shu’fat en représailles, les descentes quotidiennes des colons depuis lors, la mort d’Ali Dawabcheh, bébé palestinien brulé vif avec ses parents dans un incendie criminel à Douma en juillet 2015, les exécutions extrajudiciaires de jeunes mineurs, la stratégie de destruction des maisons palestiniennes qui s’accelere-63 maisons détruites en 1 semaine en Aout 2015-l’annexion des terres ….C’est la répression israélienne avec son lot d’arrestations et de morts, enfants, civils, manifestants, qui en est à l’origine. Avec le désir de construire une résistance nouvelle, que les jeunes palestiniens nomment déjà "troisième intifada ». Rejet de la classe politique, de l’Autorité Palestinienne totalement éloignée des revendications actuelles, et des partis politiques qui ne les ont pas soutenus dans ce combat comme pour en stopper l’élan. Opposition à la génération précédente en refusant haut et fort les humiliations notamment aux check-points et en criant leur indignation, d’autant plus qu’ils n’ont pas vécus directement comme leurs ainés les lourdes conséquences de la première et deuxième intifada. En étant « connectés » par internet-au moins 6 heures par jour pour plus de la moitié d’entre eux-ce qui les relie au monde malgré l’enfermement.
. Et aussi son immense inquiétude au présent et sur ce qui risque de se produire dès le printemps 2017 : En Cisjordanie 900 000 jeunes ont entre 15 ans et 35 ans et plus d’1/3 sont sans emploi malgré des études poussées ou à la recherche d’emploi non qualifiés pour vivre. Par ailleurs, le gouvernement israélien peut tout se permettre, armant massivement les colons et leur donnant le droit d’attaquer les palestiniens et depuis Avril 2016 créant des préparations militaires pour pousser les juifs orthodoxes à intégrer l’armée.
« Les jeunes meurent de leur routine quotidienne » « Notre jeunesse a besoin de soutien international, pour ne pas tomber dans la spirale de la violence, pour résister à l’occupation israélienne. Aujourd’hui, l’état de Palestine n’existe que sur le papier : des 22% des terres sur lesquelles nous devions fonder un état lors des négociations, il n’en reste que 7% à l’issue de la colonisation et de la construction du Mur et sur ces 7%, 60 % en Zone C, contrôlée par Israël. On vit dans de petits cantons très morcelés qui ne pourront pas constituer notre Etat ».
« Ce que nous espérons de la campagne BDS ?expression de la solidarité internationale – que nous soutenons à 90% malgré la dépendance économique que nous impose Israël- c’est son amplification, qu’elle dépasse le seul boycott des produits des colonies, pour s’engager d’avantage dans le boycott culturel et académique »
« Notre seul désir : obtenir nos droits dans l’égalité et la justice »
Edo Ramon, étudiant israélien de 20 ans, nous a expliqué sa démarche. D’une famille ouverte à la cause palestinienne il a toujours su qu’il ne voudrait pas faire son service militaire. Mais c’est en 2015, quand il a été appelé à l’armée, que son refus s’est exprimé en terme politique : refus total du service militaire et non pas seulement refus de servir dans les territoires occupés, conscient que l’armée dans son ensemble est l’agent opérationnel de la politique des gouvernements israéliens successifs : l’occupation, le vol des territoires et des ressources, l’installation des colonies et de leur sécurisation, la défense des colons et de l’ impunité de leurs exactions, la répression de la résistance palestinienne, l’humiliation au quotidien des palestiniens.
Edo souligne que la jeunesse israélienne méconnaît, en raison d’une propagande organisée depuis les enseignements scolaires, la réalité et les véritables objectifs de l’occupation, de la colonisation et l’asymétrie des forces en présence. Tout est interprété comme un simple processus de légitime défense, essentiel à la survie de l’état d’Israël toujours menacée dans son existence par les palestiniens.
Elle ignore aussi l’installation, dans leur propre société, d’un apartheid envers les palestiniens. Cette jeunesse israélienne est donc loin de comprendre et soutenir la position des refuzniks.
Sa décision a conduit Edo dans les prisons militaires israéliennes pour 90 jours. Dans cet affrontement avec sa propre société, il peut compter sur le soutien, non seulement de sa famille, mais aussi du collectif Mesorvot (littéralement « celles qui refusent » car, au départ, cela concernait une majorité de filles) qui réunit les jeunes qui ne veulent pas servir dans l’armée israélienne.
D’autres collectifs existent mais Mesorvot est le plus politique et le plus actif.
L’armée reste silencieuse sur le nombre exact de refuzniks, Mesorvot avance qu’une centaine de jeunes par an prennent cette décision pour des convictions politiques.
Les autres soutiens à cette démarche sont rares en Israël : à souligner celui de la « Liste arabe unie », coalition politique israélienne regroupant le parti communiste, Hadash, Balad et une composante islamique, représentée par 13 députés à la Knesset.
A la question « un état ou deux états comme solution pour l’avenir à la cause palestinienne ? » Edo répond qu’il ne croît plus possible la solution à deux états, qu’il ne voit que celle d’un état unique mais à la condition indispensable que palestiniens et israéliens jouissent des mêmes droits. En tout cas, il se battra pour cela, comme il soutient aujourd’hui les initiatives de BDS.
C’est avec émotion que nous avons écouté Christiane Hessel Chabry, qui a prononcé des phrases très fortes qui ont marqué l’assistance. Elle s’est inquiétée devant nous du vent mauvais qui souffle non seulement sur Israël, bien engagé dans la voie vers le fascisme, mais aussi sur le monde entier. Son appel à résister, « à ne pas désespérer devant cette cause désespérante » a été entendu par l’assistance et nous ne l’oublierons pas.
Ces Huit Heures se sont closes sur un beau moment de musique avec deux jeunes compositeurs et interprètes palestiniens nés à Jérusalem, Mohamed Najem à la clarinette et à la flute nay et Youssef Zayed au oud et percussions qui nous ont transporté au son de leur répertoire syrien et palestinien.
Evry Palestine met à disposition des groupes locaux qui le souhaitent, sa nouvelle exposition conçue pour ces Huit Heures pour la Palestine avec Anne Paq (photographe du collectif ActiveStills) : « Palestine, sous occupation, la jeunesse en résistance, entre révoltes et espoirs » visible sur notre site Evry Palestine.
Pour Evry Palestine : Dominique Pallarès, Pierre Langlois. Bertrand Heilbronn